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Filles et TIC au Tchad : briser le plafond numérique

  • Succès Djimtebaye
  • 24, Apr 2025

Le 24 avril, à l’occasion de la Journée internationale des filles dans les TIC, le monde entier se penche sur une problématique encore trop ignoré : la sous-représentation des femmes et des filles dans le secteur du numérique. Si la tendance mondiale progresse lentement, la situation au Tchad reste particulièrement préoccupante.


Selon les dernières données de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT)en 2022 seulement 57 % des femmes dans le monde utilisent Internet, contre 62 % des hommes. Dans les métiers des sciences et des technologies, les femmes ne représentent que 30 % de la main-d'œuvre. Dans des domaines spécifiques comme la cybersécurité, ce taux tombe à 14 % en 2023. Au Tchad, les chiffres sont encore plus faibles, notamment dans les écoles techniques et les universités où les filles inscrites dans les filières informatiques peinent à franchir le cap des 20 %. Le plafond numérique est bel et bien là.


Cet article propose un regard lucide mais optimiste sur l’état des lieux, les défis et les perspectives de l’inclusion des filles dans les TIC au Tchad, en mettant en lumière les initiatives qui font bouger les lignes.


Le numérique, un domaine encore trop masculin...

Le Tchad connaît un développement progressif dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. En cinq ans, l’usage d’Internet a augmenté de 27 %, et de nouveaux centres de formation émergent dans le pays.


Cependant, cette croissance cache un déséquilibre structurel : le numérique reste largement dominé par les hommes. À l’Université de N'Djaména, moins de 30 filles pour 100 étudiants fréquentent les filières informatiques. Dans les entreprises tech basées à N'Djaména ou dans d'autres grandes villes, les postes techniques (développement web, administration réseau, cybersécurité, etc.) sont rarement occupés par des femmes.


Plusieurs freins expliquent cette situation :

  • Freins socioculturels : Les filles sont souvent orientées vers des carrières jugées "plus féminines", comme l’enseignement ou la santé.
  • Freins éducatifs : L’absence de sensibilisation au potentiel des TIC dès le secondaire, ainsi que le manque de modèles féminins, freinent leur engagement.
  • Freins techniques et géographiques : L’accès à Internet et aux équipements numériques est encore très inégal, notamment en milieu rural.

Les défis de l’inclusion numérique des filles

L’inclusion des filles dans les TIC se heurte à une série d’obstacles bien identifiés :

  1. Accès limité aux outils et à la connexion : Dans plusieurs régions, les jeunes filles n’ont ni smartphone, ni ordinateur, ni même une connexion stable. Ce déficit technologique les exclut d’emblée du monde numérique.
  2. Stéréotypes de genre : La technique est encore perçue comme une affaire d’hommes. Dans certaines familles, les filles sont découragées, voire interdites, de suivre des formations “où l’on touche aux machines”.
  3. Manque de programmes spécifiques : Les initiatives ciblant exclusivement les filles sont rares, ce qui empêche l’émergence de modèles féminins et limite l’identification.
  4. Violences numériques : Le cyberharcèlement reste une réalité pour les filles qui s’expriment en ligne, freinant leur participation active à l’espace digital.

Les TIC, un levier d’émancipation et d’autonomisation pour les filles

Et pourtant, les technologies de l’information et de la communication représentent un levier puissant pour transformer la vie des filles et des femmes :

  • Accès à des compétences clés : Programmation, design graphique, marketing digital… autant de compétences monétisables qui ouvrent les portes de l’emploi et de l’entrepreneuriat.
  • Autonomisation financière : Grâce au freelancing ou au e-commerce, de nombreuses jeunes femmes deviennent indépendantes financièrement.
  • Voix et visibilité : Les blogs, les podcasts, les réseaux sociaux offrent aux filles des plateformes pour s’exprimer, raconter leurs vécus, affirmer leurs opinions et revendiquer leurs droits.
  • Éducation et santé : Le numérique permet un accès élargi à l’information, notamment sur la santé sexuelle et reproductive, l'éducation ou la citoyenneté.

Des jeunes femmes comme Sarrah Moukhtar, 23 ans, incarnent ce changement. Formée au métier de Référent Digital grâce au projet Tech4Tchad, soutenu par l’Ambassade de France au Tchad et mis en œuvre par WenakLabs en partenariat avec Simplon Africa, elle vit aujourd’hui de ses compétences numériques.


« Je pensais que les domaines techniques étaient réservés aux garçons. Aujourd’hui, je forme d’autres filles et je travaille comme technicienne à Manara TV », témoigne-t-elle avec fierté.


WenakLabs : un catalyseur du changement

Précurseur de l’innovation sociale et numérique au Tchad, WenakLabs s’impose aujourd’hui comme un catalyseur incontournable de l’inclusion numérique des filles dans les TIC. Créé en 2014, WenakLabs est bien plus qu’un simple hub technologique. Il s’agit d’un acteur clé de l’inclusion numérique au Tchad. Au sein de WenakLabs, nous avons pour mission de réduire les inégalités sociales par la formation, l’accompagnement et la valorisation des talents, notamment féminins.


Quelques chiffres clés :

  • 450 filles et femmes formées à la culture numérique à travers tout le Tchad : N'Djaména, Moundou, Mongo, Abéché.
  • 50 Référentes digitales formées pour accompagner la transformation numérique locale.
  • 40 femmes formées en développement web et mobile pour améliorer leur employabilité.
  • 12 Data Développeuses initiées aux métiers de la data science.
  • 60 participantes au programme Déné Magique dédié à la créativité numérique.
  • 150 femmes formées au fact-checking dans le cadre de la lutte contre la désinformation.
  • Plus de 500 filles formées en 2024, avec 40 % d’entre elles poursuivant une carrière numérique.


WenakLabs collabore avec des partenaires internationaux pour étendre son impact et rendre l’inclusion numérique une réalité sur tout le territoire.


Perspectives et recommandations

Briser le plafond numérique au Tchad demande une approche multisectorielle et volontariste. Voici quelques pistes concrètes à explorer :

  • Intégrer le numérique dans les programmes scolaires dès le collège, en y intégrant une approche genre.
  • Subventionner les équipements numériques (PC, tablettes, connexion) pour les filles vivant en zone rurale.
  • Valoriser les femmes modèles dans les médias et les événements nationaux liés à l’innovation.
  • Renforcer la cybersécurité et lutter efficacement contre le cyberharcèlement.
  • Multiplier les initiatives communautaires de sensibilisation et de formation dans toutes les régions du pays.


Aujourd’hui, il est urgent que les filles ne soient plus de simples spectatrices du monde numérique, mais des actrices à part entière. Encourager leur présence dans les TIC, c’est investir dans une société plus juste, plus innovante et plus inclusive. Le chemin est encore long, mais des efforts menés par des acteurs comme WenakLabs démontre que le changement est non seulement possible mais déjà amorcé. Ensemble plus loin !


Article rédigé par Succès Djimtebaye.



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